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L'erreur de l'avocat et la force majeure - JLMB 2024

29 Juillet 2024

Cour de cassation (2e chambre) - 25 novembre 2020

Avocat - Responsabilité – Appel tardif – Erreur ou négligence – Force majeure (non).

Observations.

Dès lors que, pour justifier la recevabilité de son appel tardif, l’appelant a soutenu devant la juridiction d’appel qu’il avait mandaté son précédent conseil pour former appel, que celui-ci avait commis une faute en ne respectant pas la mission dont il était chargé, que ce manquement n’avait été porté à sa connaissance qu’après l’expiration du délai légal et qu’il avait immédiatement mis tout en œuvre pour régulariser la procédure mais qu’il n’a pas précisé les circonstances dans lesquelles son avocat n’avait pas formé appel dans le délai légalement requis, la cour d’appel peut fonder le rejet de cette défense sur la considération que l’erreur ou la négligence de l’avocat ne constitue pas un cas de force majeure.

 

(H.E.)

N° P.20.0760.F

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.

(…)

II. La décision de la Cour

(…)

Sur le moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Il soutient que, pour déclarer irrecevable, en raison de sa tardiveté, l’appel formé par le demandeur le 16 septembre 2019 contre le jugement rendu le 6 mai 2019, l’arrêt ne répond pas à la défense qu’il proposait ni n’apprécie les circonstances particulières qui ont déterminé les juges d’appel à exclure la force majeure.

Le demandeur a fait valoir devant la cour d’appel qu’il avait mandaté son précédent conseil pour former appel, que celui-ci avait commis une faute en ne respectant pas la mission dont il était chargé, ajoutant que ce manquement n’avait été porté à sa connaissance qu’en septembre 2019 et qu’il avait immédiatement mis tout en œuvre pour régulariser la procédure.

Les juges d’appel ont répondu à cette défense en énonçant que, dans un courrier du 10 janvier 2020, le précédent conseil a confirmé qu’il avait reçu mandat de former appel mais qu’il s’était aperçu de son oubli en septembre 2019 quand le demandeur l’avait rappelé pour lui signifier qu’il avait reçu un billet d’écrou, et que l’erreur ou la négligence de l’avocat ne constituait pas un cas de force majeure pour son client.

Dès lors que le demandeur n’avait pas précisé les circonstances dans lesquelles son conseil n’avait pas formé appel dans le délai légalement requis, la cour d’appel n’était pas tenue de motiver davantage sa décision à cet égard.

Les considérations précitées ne violent ni la disposition conventionnelle ni le principe général du droit invoqués par le demandeur.

Ainsi, l’arrêt est régulièrement motivé et légalement justifié.

Le moyen ne peut être accueilli.

(…)

Par ces motifs,

(…)

Rejette le pourvoi ;

(…)

Siég. :   Chev. J. de Codt (prés.), M. B. Dejemeppe (rapp.), Mme Fr. Roggen, MM. Fr. Lugentz et Fr. Stévenart Meeûs.              Greffier : Mme T. Fenaux.

M.P. :   M. M. Nolet de Brauwere.

Plaid. :  MeJ. De Taye.

J.L.M.B. 24/171

 

Observations

L’erreur de l’avocat et la force majeure

Un client avait mandaté son avocat pour interjeter appel à l’encontre d’un jugement prononcé par le tribunal correctionnel. L’appel avait été interjeté hors délai. En appel, le client ne précisait pas les circonstances dans lesquelles son conseil n’avait pas formé appel dans le délai légalement requis. Il n’établissait pas que l’erreur ou la négligence de l’avocat constituait un cas de force majeure pour lui. Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré l’appel non recevable.

La solution est classique.

La force majeure justifiant la recevabilité d’un appel interjeté en dehors du délai légal ne peut résulter que d’une circonstance indépendante de la volonté de l’appelant et que celui-ci ne pouvait nullement prévoir ou conjurer. Les fautes ou les négligences du mandataire engagent le mandant lorsqu’elles ont été commises dans les limites du mandat et ne peuvent constituer en soi pour le mandant une cause étrangère, un hasard, un cas fortuit ou un cas de force majeure[1].

Le juge apprécie souverainement si les circonstances invoquées constituent un cas de force majeure justifiant la recevabilité d’un appel interjeté tardivement. La Cour de cassation est uniquement compétente pour examiner si le juge a pu déduire légalement ou non la force majeure des circonstances qu’il a prises en considération[2].

 

Jean-Pierre Buyle

Avocat au barreau de Bruxelles

 



[1]   Cass., 27 avril 2010, Pas., 2010, n° 285 ; Cass., 3 mai 2011, Pas., 2011, n° 292 ; Cass., 12 février 2013, Pas., 2013, n° 98.

[2]   Cass., 8 avril 2019, Pas., 2019, n° 248 ; Cass., 12 février 2013, Pas., 2013, n° 98 ; Cass., 11 mars 2020, R.D.P.C, 2021, p. 945 et note.